Pour cette septième édition de la Bataille Royale du whisky, l’équipe de Whisky et Cie s’envole vers l’Irlande et met à l’honneur trois expressions de la maison Midleton : le Redbreast 12 ans, le Redbreast 15 ans et le Redbreast 12 ans Cask Strength. Trois whiskys issus du savoir-faire traditionnel du Single Pot Still, élaborés à partir d’orge malté et non malté, distillés trois fois dans des alambics en cuivre, puis vieillis en fûts de bourbon et de xérès oloroso. L’objectif : comparer ces trois versions pour élire le grand champion de cette dégustation irlandaise.
Le Redbreast 12 ans
Premier concurrent à entrer dans l’arène, le Redbreast 12 ans est une véritable institution en Irlande. Né dans les années 1930 et toujours produit par la distillerie Middleton, il est vieilli au moins 12 ans dans des fûts de bourbon et de xérès. Son titrage de 40 % et sa filtration à froid lui confèrent une texture limpide, bien que son authenticité soit légèrement tempérée par l’ajout de caramel pour uniformiser la couleur.
À la dégustation, la robe cuivrée se montre engageante, et les « larmes » sur le verre trahissent une certaine viscosité malgré le faible taux d’alcool. Au nez, le whisky dévoile une belle palette fruitée : pêche, poire, abricot et une subtile note poivrée. En bouche, les épices dominent rapidement les fruits, apportant chaleur et picotement. Le whisky se montre agréable mais modeste : les saveurs manquent de profondeur et la finale, légèrement astringente, tend vers des notes boisées et sèches.
Un whisky gourmand, facile à boire, mais jugé un peu « sage » par les dégustateurs, qui lui reprochent un manque de corps et d’intensité. Idéal pour l’initiation, il ne provoque toutefois pas le grand frisson attendu d’un Redbreast.
Le Redbreast 15 ans
Place maintenant au Redbreast 15 ans, version plus mûre et plus musclée, titrant à 46 %, non filtrée à froid et sans colorant ajouté. Vieilli dans des fûts de bourbon et de xérès oloroso, il promet plus de richesse et de complexité. Introduit sur le marché en 2005 après un succès retentissant comme édition limitée, il est rapidement devenu une référence parmi les amateurs.
Visuellement, sa teinte est proche du 12 ans, mais ses jambes sur le verre se forment plus rapidement et témoignent d’une viscosité accrue. Au nez, les animateurs notent immédiatement une plus grande densité aromatique : notes citronnées, vanille, cannelle, clou de girofle et abricot se marient dans une belle harmonie. La complexité et la douceur se conjuguent sans agressivité, avec un équilibre entre fraîcheur fruitée et rondeur épicée.
En bouche, l’expérience s’avère nettement plus riche : le whisky tapisse la langue d’une texture huileuse et enveloppante. Les fruits jaunes, la vanille et une chaleur poivrée s’entrelacent, soutenus par une subtile astringence tannique en finale. Celle-ci est longue, veloutée et raffinée, évoquant la sophistication d’un spiritueux bien construit.
Les dégustateurs s’entendent : le Redbreast 15 ans offre une profondeur et une générosité qui justifient amplement la différence de prix avec le 12 ans. Mieux fini, plus nuancé et équilibré, il représente un bond qualitatif notable dans la gamme.
Le Redbreast 12 ans Cask Strength
Dernier combattant : le Redbreast 12 ans Cask Strength, expression brute de fût du classique 12 ans. Embouteillé sans réduction, son degré d’alcool varie selon les lots entre 55 et 59 %. Non filtré à froid et sans colorant, il représente le Redbreast dans sa forme la plus pure et la plus authentique.
Dès l’analyse visuelle, les dégustateurs notent une viscosité marquée : les larmes sont plus denses et plus lentes, annonçant une texture riche. Au nez, c’est la complexité qui domine : fruits mûrs et gras (figues, dattes, raisins secs), vanille et légères notes boisées s’entremêlent. L’alcool élevé est parfaitement intégré, révélant des couches aromatiques profondes et élégantes.
En bouche, l’effet est immédiat : une explosion de saveurs. Le fruit prend le dessus, supplantant les épices — un renversement par rapport au 12 ans classique. La vanille adoucit l’ensemble, rappelant une crème pâtissière sur une tarte aux fruits. L’astringence, toujours présente, s’exprime ici avec finesse et rondeur. La finale, d’une longueur impressionnante, allie fruité, boisé et chaleur épicée dans une harmonie exemplaire.
C’est un whisky complexe, complet et équilibré, qui conjugue puissance et élégance sans lourdeur.
Nos avis et le verdict
Au terme de cette Bataille Royale VII, le verdict est unanime. Le Redbreast 12 ans Cask Strength s’impose comme le grand gagnant, grâce à sa richesse aromatique, son équilibre entre fruit, vanille et épices, et sa texture enveloppante qui persiste longuement en bouche. Il représente l’expression la plus accomplie du style Single Pot Still irlandais.
En deuxième place, le Redbreast 15 ans séduit par sa complexité et son élégance. Moins explosif que le Cask Strength, il offre toutefois une belle maturité, un équilibre maîtrisé et une finale longue et raffinée, idéale pour ceux qui préfèrent un whisky plus posé mais tout aussi généreux.
Enfin, le Redbreast 12 ans ferme le classement. Malgré son statut classique et son accessibilité, il apparaît trop léger, manquant d’ampleur et d’intensité face à ses deux grands frères. Un bon whisky pour découvrir la gamme, mais vite éclipsé dans cette comparaison directe.
Conclusion
Cette septième Bataille Royale démontre la cohérence et la qualité de la gamme Redbreast, tout en mettant en lumière les différences notables qu’apportent le titrage, la filtration et la maturation. Si le 12 ans séduit par sa douceur, le 15 ans charme par son équilibre, et le Cask Strength impressionne par sa puissance raffinée. Un trio typiquement irlandais, porté par le savoir-faire de Middleton, qui prouve qu’entre tradition et intensité, la perfection se trouve souvent… à la force du fût.