Pour cette neuvième Bataille Royale, nous avons plongé au cœur de Campbeltown, l’une des plus petites mais des plus emblématiques régions productrices d’Écosse. Trois expressions issues de la distillerie Glen Scotia se sont affrontées : le Double Cask, le Victoriana et le 15 ans. Fidèle à notre formule, nous avons d’abord présenté chaque whisky avant de les déguster côte à côte, afin de déterminer lequel se démarquerait par son équilibre, sa richesse et son caractère. Une joute amicale, mais sérieuse, entre trois ambassadeurs d’une maison qui conjugue tradition et modernité.
Glen Scotia Double Cask
Le combat s’ouvre avec le Double Cask, une belle porte d’entrée dans l’univers de Glen Scotia. Vieilli d’abord cinq ans dans des fûts de bourbon de premier remplissage, puis affiné douze mois dans des fûts de Pedro Ximénez, ce whisky à 46 % d’alcool se veut une introduction accessible à la richesse de Campbeltown. Malgré l’ajout d’un colorant, il conserve une authenticité certaine et un excellent rapport qualité-prix, proposé autour de 85 $.
À la dégustation, nous découvrons une robe cuivrée et lumineuse, légèrement huileuse, typique du style de la maison. Au nez, une douceur fruitée se mêle à un léger caractère salin. La vanille, le caramel et une touche d’agrumes dominent, rappelant la crème brûlée et les zestes d’orange. En bouche, l’attaque est douce et fruitée, puis une petite pointe d’épices apparaît brièvement avant de s’effacer au profit d’un retour sucré et vanillé. On perçoit des nuances de fruits secs — dattes, raisins — qui s’entrelacent aux notes boisées et légèrement tanniques du chêne. La finale, moyenne mais plaisante, laisse une impression sucrée et un peu sèche, renforçant le côté maritime et boisé.
Ce whisky charme par sa variété aromatique plus que par son intensité. Facile à boire, convivial, il s’adresse autant aux curieux qu’aux amateurs cherchant un single malt simple et équilibré. En somme, un whisky de semaine, idéal pour apprivoiser la maison Glen Scotia.
Glen Scotia Victoriana
Place au Victoriana, un adversaire plus costaud, embouteillé à 54,2 % et non filtré à froid. Lancé en 2015, il rend hommage à l’âge d’or de Campbeltown et se distingue par son affinage en fûts de chêne lourdement carbonisés, qui lui confèrent profondeur et richesse. Sans colorant, il affiche une teinte naturelle et chaleureuse. Son prix, autour de 121 $, se justifie par la complexité et la générosité du spiritueux.
Dès le nez, le Victoriana séduit : c’est une explosion de desserts et de pâtisseries – caramel, gâteau au beurre, crème brûlée, biscuit vanillé. La douceur sucrée est soutenue par un discret fond iodé et maritime, typique de Glen Scotia. En bouche, la puissance de l’alcool se fait sentir, mais sans brûler : elle accompagne un profil caramélisé et velouté, évoquant un bonbon au caramel salé. La texture est grasse, onctueuse, presque crémeuse.
La dégustation révèle aussi des touches de chocolat, de fruits noirs et de dattes, avec un bel équilibre entre le sucre et une légère salinité. La finale, douce et persistante, enveloppe la bouche de chaleur et de gourmandise, rappelant un dessert marin. Ce whisky séduit par son abondance aromatique, sa sensualité et sa puissance maîtrisée.
Pour nous, le Victoriana se distingue comme un whisky complet et généreux, alliant la complexité aromatique à une vraie richesse tactile. Une expérience gourmande, profonde et maritime qui impressionne du début à la fin.
Glen Scotia 15 ans
Le troisième compétiteur, le Glen Scotia 15 ans, se présente comme un single malt plus classique, non tourbé et élevé en fûts de bourbon de premier remplissage et de chêne américain de second remplissage, avec une courte finition en fûts de Xérès Oloroso. Il titre lui aussi à 46 % et, malgré l’ajout d’un colorant, conserve une élégance certaine. Proposé à 114 $, il se situe entre les deux autres en prix.
À l’œil, sa robe ambrée rappelle celle du Double Cask, mais avec une texture plus dense. Au nez, on quitte le registre sucré du Victoriana pour un univers fruité et lumineux : pêche, abricot, agrumes, accompagnés d’une touche biscuitée et beurrée. En bouche, le 15 ans se montre velouté, rond et harmonieux, avec une belle douceur et un équilibre maîtrisé entre fruits, vanille et boisé. L’astringence apparaît progressivement, apportant structure et complexité.
Si la tourbe est absente, une légère influence maritime se dévoile en fin de bouche, comme un soupçon de sel marin venu du vieillissement côtier. La finale, longue et sèche, fait ressortir la maturité du whisky et une belle complexité sensorielle. Moins opulent que le Victoriana, mais plus raffiné que le Double Cask, le 15 ans séduit par sa finesse et son équilibre.
Nos avis et le verdict
Après dégustation, notre duel intérieur fut serré. Le Victoriana s’impose clairement comme le grand gagnant de cette neuvième Bataille Royale. Sa puissance, sa profondeur aromatique et sa texture veloutée en font un whisky d’exception, à la fois gourmand et maritime.
Le Glen Scotia 15 ans arrive en deuxième position : plus sage, plus fruité et équilibré, il offre une expérience élégante et nuancée, marquée par une finale sèche et raffinée. Enfin, le Double Cask complète le podium, non par faiblesse, mais parce qu’il joue dans une autre catégorie – celle des whiskys de découverte, simples, plaisants et au rapport qualité-prix imbattable.
En somme, cette émission nous aura permis de redécouvrir toute la richesse du style Campbeltown, entre douceur fruitée, puissance saline et caractère boisé. Trois expressions complémentaires d’une même distillerie, et un vainqueur incontestable : le Victoriana, champion de cette 9ᵉ Bataille Royale.