Pour cette troisième Bataille Royale, nous plongeons dans l’univers tourbé et iodé de Lagavulin, distillerie mythique de l’île d’Islay, réputée pour produire certains des whiskys les plus expressifs et puissants d’Écosse. Trois expressions s’affrontent aujourd’hui : le Lagavulin 8 ans, le Lagavulin Offerman Edition Caribbean Rum Cask et le Lagavulin 16 ans. Chacun reflète une facette différente du savoir-faire de la maison : la fougue de la jeunesse, la créativité d’un affinage exotique et la sagesse d’un classique intemporel. Au terme de notre dégustation, nous tenterons de départager ces trois whiskys, un exercice aussi exigeant que passionnant.
Le Lagavulin 8 ans : la fougue de la jeunesse
Lancé d’abord en édition limitée pour marquer le 200ᵉ anniversaire de la distillerie avant de devenir un permanent de la gamme, le Lagavulin 8 ans exprime la vitalité et la pureté du style Islay dans sa forme la plus directe. Embouteillé à 48 % d’alcool, il se distingue par sa franchise et son intensité tout en conservant une belle élégance. Sa robe pâle, presque translucide, trahit une jeunesse vibrante et une structure encore nerveuse.
Dès le premier nez, on perçoit une fraîcheur citronnée et saline, évoquant la brise marine. Des arômes de pomme verte et de zeste de citron s’entrelacent à des notes de vanille et de chêne clair. La tourbe, bien que présente, reste douce et modérée. En bouche, le whisky se déploie avec énergie : une attaque poivrée suivie d’un éclat salin et d’une pointe d’agrumes. L’expérience est vive, tonique, presque effervescente. En finale, la fumée se manifeste davantage : fine, légèrement cendrée, prolongée par un rappel d’épices blanches et de sel marin. C’est un whisky franc, fougueux et rafraîchissant, dont la jeunesse ne masque jamais la maîtrise.
Le Offerman Edition Rum Cask : la douceur caribéenne
Résultat d’une collaboration entre Nick Offerman, acteur et amateur de whisky, et la distillerie Lagavulin, cette édition spéciale pousse l’audace un peu plus loin. Affinée pendant huit mois en fûts de rhum des Caraïbes, elle marie la rigueur d’Islay à une touche tropicale inattendue. Embouteillé à 46 %, non filtré à froid, ce single malt est une exploration du contraste entre le feu et la douceur.
Sa robe dorée paille annonce une texture plus grasse et une bouche voluptueuse. Au nez, la signature Lagavulin se fait immédiatement sentir : la tourbe, la fumée et le sel marin dominent, mais laissent vite place à une banane mûre, à la vanille sucrée et à un léger caramel évoquant la mélasse. À la dégustation, la rencontre entre la tourbe et la douceur du rhum se révèle harmonieuse : le sucre brun et les fruits tropicaux s’entrelacent à une fumée gracieuse et enveloppante. Le sel, la cassonade et la banane créent une impression d’équilibre inattendue. En bouche, le whisky se montre ample, presque sirupeux, puis s’éclaire sur une finale longue et moelleuse, où la fumée saline se marie à des accents de miel et de fruits confits. Cette édition se démarque par sa générosité et son originalité : un whisky d’Islay qui s’offre une escapade au soleil.
Le Lagavulin 16 ans : la sagesse et l’équilibre
Symbole absolu de la distillerie, le Lagavulin 16 ans représente l’aboutissement du style maison. Vieilli longuement en fûts de chêne et embouteillé à 43 %, il est reconnu mondialement comme un pilier du whisky écossais. Sa robe ambrée aux reflets cuivrés trahit sa maturité et sa richesse.
Au nez, il s’impose par une douceur apaisante : des arômes de malt chaud, de pomme caramélisée et de vanille s’élèvent dans un nuage de fumée fine et parfaitement intégrée. En bouche, la texture se fait huileuse, soyeuse et veloutée. L’attaque révèle des épices discrètes, rapidement suivies de la douceur du fruit et de la chaleur du chêne. Tout s’équilibre dans une harmonie remarquable. La fumée, ni dominante ni timide, accompagne l’ensemble avec élégance. La finale est longue et persistante, marquée par des notes de cendre douce, de sel marin et de miel, évoquant un feu de bois en bord de mer. Tout ici respire la maturité et la maîtrise. Le 16 ans est un whisky de contemplation, noble et parfaitement équilibré, qui témoigne du savoir-faire traditionnel de Lagavulin.
Nos avis et le verdict
Cette Bataille Royale III a révélé trois visages d’une même légende. Le Lagavulin 8 ans incarne la fougue et la vivacité : un whisky qui surprend par sa franchise et sa tension, parfait pour ceux qui aiment la fraîcheur iodée et la puissance brute. L’Offerman Edition Rum Cask, lui, se distingue par son exotisme maîtrisé ; la chaleur du rhum caribéen vient adoucir la tourbe d’Islay dans un jeu de contraste aussi audacieux que réussi. Enfin, le Lagavulin 16 ans domine la joute avec sérénité, son équilibre et sa profondeur en faisant une référence absolue du monde du whisky.
Au terme de la dégustation, le Lagavulin 16 ans s’impose comme le grand vainqueur, alliant complexité, élégance et précision. Le Offerman Edition Rum Cask arrive en deuxième position pour son originalité et sa texture envoûtante, tandis que le Lagavulin 8 ans, plus jeune mais étonnamment accompli, complète le trio avec honneur. Trois expressions différentes, mais un même fil conducteur : la maîtrise du feu et de la mer qui fait la grandeur de Lagavulin.
Conclusion
Cette dégustation confirme la force créatrice et la cohérence de la distillerie Lagavulin, qui parvient à exprimer la tourbe sous des formes multiples : l’énergie d’un jeune whisky, la rondeur tropicale d’un affinage inédit et la noblesse d’un grand classique. Chacun de ces spiritueux illustre une facette de la maison : la jeunesse fougueuse, l’expérimentation audacieuse et la maturité intemporelle.
Si le 16 ans demeure le chef-d’œuvre incontesté, le Offerman Edition apporte un vent de nouveauté rafraîchissant, et le 8 ans rappelle qu’un whisky n’a pas besoin d’âge pour avoir du caractère. Ensemble, ils forment une trilogie cohérente et inspirante, digne de l’héritage d’Islay. Une bataille royale où, plus que la victoire, c’est la passion du whisky qui triomphe.